We are what we share.

Au-delà de sa fonction commerciale, l’entreprise est un organe communicant à part entière. Elle produit et diffuse des informations, qui sont réceptionnées plus ou moins consciemment par son audience. 

Dans la mesure où elle aspire à toucher un grand nombre de personnes, elle a une responsabilité non-négligeable dans la constitution de ses messages. 

Dès lors, les actions communication et marketing doivent être appréhendées via un prisme plus responsable. 

Cette prise de position s’avère d’autant plus pertinente pour une entreprise à impact puisqu’elle lui permet de tendre vers un maximum de cohérence avec sa raison d’être. J’explore cette corrélation dans mon article : La nécessité d’une communication responsable, en cohérence avec son projet.

Comprendre qu’il est possible d’agir à ces niveaux est un premier pas. Mais comment amorcer le suivant ? Et continuer le chemin ? 

Pour communiquer responsablement, on distingue 3 niveaux d’actions principaux sur lesquels influer : 

1/ Le contenu des messages. 2/ Les techniques de diffusion. 3/ Les modes de production des supports. 

Dans cet article, on s’intéresse au premier volet. Au fond. À la teneur des messages. 

Je vous propose 6 grands principes qui pourraient servir de guide au moment de la conception de vos messages à caractère promotionnel direct ou indirect (publicités et contenu). 

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PRINCIPE 1 : HONNÊTETÉ & CLARTÉ

Un principe très peu associé au monde de la communication : celui de DIRE LA VÉRITÉ. 

Ce qui ne veut pas nécessairement dire : tout dire. Mais considérer que ce sur quoi on décide de communiquer est vérifié et vérifiable. 

Ce premier principe peut sembler relever du bon sens. Pourtant, c’est sa mise à mal ponctuelle qui fait grandir un sentiment de défiance à l’égard du marketing et de la communication. 

Les consommateurs et consommatrices sont informé.e.s et critiques. Et de plus en plus exigeant.e.s quand il s’agit d’accorder leur confiance à des marques. 

Il est nécessaire de les considérer comme des alliés. Les personnages principaux du film de votre marque. Plutôt que comme des figurant.e.s interchangeables (et manipulables ?). 

Lors de la conférence “Transition écologique : quels nouveaux enjeux pour la communication” qui s’est tenue à Sciences Po Paris le 21 janvier 2020, Jacques Olivier BARTHES, Directeur de la communication WWF France, évoque la nécessité d’un devoir de clarté de la part des entreprises. 

Dépassée, l’approximation comme argument d’adhésion. À l’image du fameux “made in France with love”. 

Place au concret.

Le groupe Big Mamma, par exemple, rend accessible depuis son site une documentation très précise de ses collaborations avec des producteurs italiens : 

Exit donc la confusion volontaire et autres raccourcis nébuleux. D’autant plus dans l’écosystème de l’impact positif, où la majorité des termes est labellisée. 

Chaque mot répond à un cahier des charges bien précis. Et le produit doit répondre à la définition officielle, généralement proposée par le Conseil national de la consommation

“Recyclable”, “éco-conçu”, “éthique”, “bio”… Autant d’allégations qui sont juridiquement encadrées et qu’il faut être en mesure de justifier. 

Il en va de même pour les éléments graphiques. L’utilisation du vert et de l’imagerie de la nature qui apporte une connotation green au produit doit être contrôlée.

En cas d’utilisation abusive, l’ARPP parle de présentation suggestive. Celle-ci induirait le consommateur en erreur quant aux vertus réelles du produit. 

Dépassées, les promesses disproportionnées également. 

Au risque d’opter pour une stratégie court-termiste puisque nécessairement source de déception. 

Il devient essentiel d’adopter une « communication que l’on peut croire », comme l’explique Yonnel Poivre-Le Lohé, consultant et formateur en communication responsable.

Mettre en valeur ne rime pas fatalement avec induire en erreur (bien que ça soit littéralement le cas). C’est ce qui a guidé la campagne print de Pulco lancée en Juillet 2019. Le tout accompagné d’un zeste d’humour.

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PRINCIPE 2 : BIENVEILLANCE & POSITIVITÉ

La bienveillance est par définition une disposition favorable à l’égard de quelqu’un. 

Communiquer avec bienveillance c’est être dans l’accompagnement d’une évolution plutôt que dans le jugement d’un comportement en l’état. 

En tant qu’entreprise à impact, vous êtes certainement – et à juste titre – persuadé.e. des bienfaits de votre produit. Il peut alors être tentant de vous placer en position d’expert. Attention toutefois à la posture de donneur ou donneuse de leçons. 

La positivité engage la mise en action. Le mouvement. Le changement. La culpabilisation et la création de complexes – quant à elles – auront tendance à avoir l’effet inverse. 

C’est ce qu’a décidé de mettre en pratique la marque de produits écologiques Les Petits Bidons sur son compte Instagram :

Instagram de la marque Les Petits Bidons

(+) x (+) = (+) 

Dans son interview sur le podcast “La Causerie”, Adrien Rivierre – auteur du livre L’Homme est un conteur d’histoires, explique :  

“VOUS AVEZ UNE RESPONSABILITÉ EN TANT QUE CONTEUR. L’HISTOIRE QUE VOUS DÉCIDEZ DE RACONTER A UN VRAI IMPACT SUR LE RÉEL.”

Il entend par là que le récit et l’action sont complémentaires et interdépendants. Qu’ils se nourrissent réciproquement.

En tant que communicant.e, vous avez une véritable influence sur l’imaginaire de celles et ceux qui vont recevoir vos messages. 

Et mécaniquement, les récits que vous décidez de diffuser vont avoir une résonance dans le réel. Lorsqu’elles sont intégrées à nos actions et à nos pensées, les projections se concrétisent.

D’où l’importance de diffuser les symboles du monde vers lequel vous voulez tendre. 

Au travers d’une campagne lancée en 2013, Dove veut vous faire passer le message suivant : “You’re more beautiful than you think”.

https://www.youtube.com/watch?v=XpaOjMXyJGk

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PRINCIPE 3 : HUMANISME & INCLUSIVITÉ

Persona non data

La communication est une science sociale. Qui se caractérise par la transmission d’informations d’humains à humains.

Il est nécessaire de considérer ses client.e.s comme des personnes, avec leurs individualités. Et non comme une masse abstraite et uniformisée. 

L’idée est de pouvoir s’adresser à chacune d’entre elles et qu’elles puissent se sentir concernées et considérées. 

Ce faisant, vous participez à la redéfinition de ce qui est aujourd’hui considéré comme la norme. 

Repenser la norme visuelle

Il est primordial de ne plus valider les codes qui définissent la normalité ou la beauté d’un corps. En intégrant dans ses contenus visuels la diversité du monde. 

De nombreuses marques, notamment dans l’industrie de la mode et des cosmétiques ont adhéré au mouvement du Body Positive

Déjà dans les années 90, The Body Shop lançait Full Voice, une brochure de 28 pages sous-titrée « Le corps et l’estime de soi. « Le message était tout entier résumé dans une double page centrale mettant en scène Ruby, une poupée créée pour l’occasion et dont les formes rebondies sont celles de la majorité des femmes, avec ce slogan : Seules 8 femmes sont des top models, 3 milliards n’en sont pas. La brochure donnait aussi toute une série d’informations et de chiffres soulignant l’importance de la diversité physique et culturelle de la population, et insistant sur la différence entre idéal et réalité.”*

En 2019, de nombreuses enseignes ont pris la relève : 

Repenser la norme rédactionnelle

C’est aussi favoriser l’écriture inclusive dans ses contenus textuels.

C’est à dire utiliser l’ensemble des attentions graphiques et syntaxiques qui permettent d’assurer une égalité des représentations entre les femmes et les hommes. 

Le but : éviter toute discrimination supposée par le langage. Le masculin ne l’emporte plus sur le féminin ! 

Anne-Marie Houdebine, Professeure de linguistique et sémiologie Université Paris Descartes – Sorbonne rappelle “l’importance du langage et son impact sur les constructions mentales et représentations sociales de chaque sujet parlant ; aussi est-il très important de veiller à la qualité éthique de la langue, c’est-à-dire à sa faculté d’être discriminante, dévalorisante ou égalitaire et non sexiste ou raciste.”**

Cette inclusion verbale est par exemple mise en pratique par Louvain Learning Lab sur son compte Twitter : 

Repenser la norme comportementale

En tant que communicant.e.s, nous ne devons plus nous faire complices de la propagation de stéréotypes généralement associés à une typologie de produits. Ces associations presque caricaturales qui peuvent notamment découler du ciblage marketing.  

C’est ce qui est en grande partie préconisé par La Recommandation « Image et Respect de la Personne » de l’ARPP, entrée en vigueur en 2016. 

« 2.2 La publicité ne doit pas cautionner l’idée de l’infériorité d’une personne en raison de son sexe, de son origine, de son appartenance à un groupe social, de son orientation ou identité sexuelle ou de tout autre critère de discrimination, notamment en réduisant son rôle et ses responsabilités dans la société. »

Chaque coup de pied participe à leur chute. Voici celui proposé par Ariel dans sa campagne “Partageons les tâches” :

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PRINCIPE 4 : HUMILITÉ & TRANSPARENCE

Voilà ce qu’on fait de bien. Voilà ce qu’on voudrait améliorer.

Autrement dit : pas de langue de bois. Cela rejoint le premier principe.

Ce n’est pas la course à celui ou celle qui sera le plus responsable dans ses engagements. 

Mais plutôt à celui ou celle qui fait de son mieux. Qui fait des efforts, les documente, les partage avec sa communauté. Tout en reconnaissant ses limites et en assumant sa marge de progression.

En plus de cela, c’est un moyen d’humaniser votre marque. Vous n’êtes pas parfait.e et vous l’assumez. C’est une preuve de bonne foi.

C’est ce que fait très bien Veja sur son site web. La marque de baskets écoresponsables consacre une page entière à l’explication de ses limites, notamment au niveau de sa production.

Page web de la marque Veja : les limites de Veja

On peut lire entre autres : « Les pigments utilisés pour teindre le cuir, le caoutchouc et le coton ne sont pas des produits naturels. Nous avons utilisé des teintures naturelles à base de plantes et de minéraux en 2012 & 2013 sur 40% de la production, mais la qualité des couleurs rouges n’était pas à la hauteur de nos standards. Pour obtenir une couleur stable, sans déteinte, VEJA doit pour l’instant utiliser des teintures conventionnelles, mais qui respectent la norme européenne REACH.« 

Dans la même lignée, Innoncent communique en toute transparence sur la fabrication de ses nouvelles bouteilles. Et informe ses clients des évolutions à venir.

Page web de la marque Innoncent : notre nouvelle bouteille

En adoptant ces pratiques, vous incluez votre communauté dans le processus de développement de votre marque. Vous lui donnez un aperçu des enjeux internes et la possibilité de célébrer les avancées. Contribuant ainsi, à renforcer vos liens. 

Dans une vidéo Youtube, Claire – créatrice de la marque Meuf Paris – annonce fièrement à sa communauté que 100% de sa production est désormais produite en Europe. Et en profite pour la remercier : 

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PRINCIPE 5 : UTILITÉ & PÉDAGOGIE

Une communication responsable n’agit pas seulement dans un intérêt promotionnel brut.

Elle dépasse le périmètre de la mise en valeur du produit en tant que tel et met son espace de parole au service de la diffusion d’informations utiles.

Quant à son secteur d’activité

Une entreprise maîtrise son sujet. Au fur et à mesure de son développement, elle collecte de nombreuses informations. 

Vous pouvez choisir de les documenter. De devenir votre propre média. Et de prendre la parole sur des sujets qui touchent de près ou de loin au domaine dans lequel vous évoluez et qui vous semblent pertinent de partager. 

Phoenix – l’application anti-gaspi qui aide les magasins à donner leurs invendus destinés à être jetés – accompagne par exemple sa communauté sur des sujets d’alimentation responsable via son blog. En témoigne cet article sur le batch cooking :

Article sur le batch cooking de Phoenix

Il en est de même pour Carrefour qui a produit une série documentaire ayant pour but de décrypter notre alimentation. “Pour comprendre toutes les facettes de notre système alimentaire, depuis son histoire jusqu’à ses évolutions futures.

Quant à la consommation de ses produits

L’obsolescence culturelle des produits – favorisée par le renouvellement des gammes de produits mais aussi par le contenu de certains messages promotionnels – est un fléau dont il faut se débarrasser. 

Ce phénomène consiste à démoder les produits de façon récurrente, bien qu’ils soient toujours utilisables, pour favoriser le besoin de les remplacer.  

Vous pouvez vous positionner en guide vers une consommation raisonnée. Parce qu’aussi engagé soit le produit, pousser à sa sur-consommation ne fait pas sens. 

Depuis quelques années par exemple, certaines enseignes prennent le parti de ne pas participer à des évènements promotionnels comme les soldes ou le Black Friday.

Quant à l’utilisation de ses produits

Vous pouvez aussi diffuser des informations quant à l’utilisation optimale de votre produit. Comment en avoir un usage responsable et le faire durer dans le temps.

C’est ce que propose Fempo, marque française de culottes menstruelles. Dans une vidéo diffusée sur leur page Facebook, Federica explique comment entretenir sa culotte :

Et ce jusqu’au bout !   

Enfin, il est important de conseiller vos utilisateurs et utilisatrices sur la gestion de la fin de vie du produit. Ce qu’il faut faire ou ne pas faire. 

Est-il réutilisable ? Réparable ? Récupérable ? Recyclable ? En partie ? Où le déposer ?

Un exemple avec la campagne Don’t buy this jacket lancée en 2011 par Patagonia le jour du Black Friday.

Pub de Patagonia pour le black friday : Don't buy this jacket

L’entreprise communique sur son principe des 4R qui guide toutes ses actions communication : Réduire / Réparer / Réutiliser / Recycler.

« Si vous achetez une veste, elle durera longtemps ; si la fermeture-éclair lâche, nous la réparerons. Et si, un jour, vous en avez assez de la porter, alors qu’elle est encore en bon état, nous vous aiderons à la vendre ou à la donner. Et si vous l’avez usée jusqu’à la corde, rapportez-la dans nos magasins, nous la recyclerons. »

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PRINCIPE 6 : CRÉATIVITÉ & VISION

Être responsable ne signifie pas brider la puissance créative de la communication. Bien au contraire. 

Il faut redoubler d’inventivité pour faire différemment. 

C’est ce qu’explique Dan-Antoine Blanc-Shapira, fondateur de l’agence événementielle Sensation !, cofondateur du collectif Éco-événement et initiateur des démarches RSE de LÉVÉNEMENT, dans une interview accordée à l’ADEME*** :

“La démarche écoresponsable n’est pas un frein, mais au contraire une opportunité de réinventer notre métier et donc de le rendre plus fort et plus impactant.”

Pour créer les symboles de demain. Et ringardiser les anciens. 

Good is the new cool. 

Il est temps de dépoussiérer l’image pas très moderne de l’écosystème de l’impact. De rendre le “responsable” désirable. Et rester fun !

C’est ce qu’a pris littéralement au mot Biocoop, dans la campagne “Notre bio n’a rien à cacher” lancée en 2011 :

C’est également la ligne éditoriale historiquement adoptée par Ben & Jerry’s :

Affiche Ben & Jerry's : Quand c'est fondu, c'est foutu !

Et en général, vous touchez les gens. Vous marquez les esprits.

C’est en insistant sur ce point que je conclurais.

Une communication responsable est créatrice de valeur. C’est un win-win-win concept. Pour vos clients et clientes, pour vous et surtout pour le monde.

Pour vos clients et clientes.

En construisant vos messages à la lumière de ces principes, vous établissez un pacte de confiance avec eux. Les deux parties sont actrices conscientes. Il s’agit d’un vrai échange. 

Pour votre entreprise.

Vous construisez avec vos clients et clientes une relation durable. Vous misez donc sur du long terme.

Vous êtes cohérent.e avec votre raison d’être. Et vous écartez également les risques de tomber dans du greenwashing

Pour le monde.

Vous contribuez à diffuser les symboles du monde d’après. Leur permettant ainsi de se faire une place dans le monde de maintenant.

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2 Comments

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